Avec Kaliom, nous n'avons pas encore clairement décidé de quelle manière nous allions travailler à rédiger les réponses, mais, de mon côté, je n'aurai jamais l'outrecuidance de penser que je peux aider quelqu'un à progresser. Je rédige dans la partie secrète du forum des avis plus ou moins détaillés pour chaque nouvelle. Ils me servent d'aide-mémoire et ils me permettent de débattre avec Kaliom : ces avis me serviront de base pour mon travail de réponse et je m'efforce de les faire aussi objectifs que possible (de ce point de vue, j'ai été très content de travailler sur des textes anonymes). Par exemple, je suis plus sensible à la SF qu'à la fantasy et les relations parents/enfants sont une thématique qui me touche plus que, mettons, la passion amoureuse : mais aucune de ces deux préférences personnelles n'entre en ligne de compte dans la constitution de ma liste temporaire des nouvelles que je préfère.
Cela dit, mes avis sont forcément influencés, parfois même inconsciemment je suppose, par ma conception toute personnelle de la construction d'une nouvelle, ma sensibilité à tel ou tel choix stylistique, etc. Il n'y a de vraiment objectif que l'orthographe et la grammaire... Du coup, un refus détaillé, dans mon esprit, ce n'est pas : "votre nouvelle serait mieux si", mais "il me semble que cela pourrait être mieux si..." Quiconque est convaincu d'avoir toujours raison dira que c'est une réponse lâche, mais non : c'est un peu d'humilité et un peu de bon sens relativement à la subjectivité des opinions artistiques. Je n'ai jamais hésité à prendre position de façon inhabituelle en matière d'art (par exemple, je trouve que Dostoïevski et Shakespeare, dont j'ai lu pratiquement l'intégrale en anglais, sont les deux pires raseurs de l'histoire littéraire) et je ne laisserai personne me dire que je suis un crétin parce que je le pense - en revanche, ça ne me viendra pas non plus à l'idée de dire à M. mon père que c'est un crétin parce qu'il pense que Dostoïevski a du souffle et une fine pénétration psychologique.
Par ailleurs, il y a des tas de types de refus possibles. Après discussion avec Kaliom, certaines nouvelles que je trouve excellentes ne sont décidément pas dans le sujet, que nous avons pourtant interprété de façon très large. J'aurai un grand regret de dire non à l'auteur, mais ce ne sera pas parce que la nouvelle est mauvaise, uniquement parce qu'elle nous paraît excéder les limites de notre sujet. Autre cas de figure (pour une nouvelle que Kaliom n'a pas encore lue), une histoire pleine d'excellentes idées et d'originalité, mais que je crois touffue parce que son univers est si riche que le format court le compresse. Ma réponse aurait tendance à être : "ça ne marche pas comme nouvelle, à mon avis, parce que vous avez là la matière d'un roman complet". Loin d'être un reproche, je vois ça comme un compliment ! Et un encouragement à envisager le roman. Mais la réponse de l'auteur peut très bien être : "Un roman ? Non, pas du tout, merci quand même". Il n'y a pas de loi ni de règle dans les échanges de subjectivité et de sensibilité.
Et dans tous les cas, ma réponse est juste un avis qui se veut explicatif d'un choix, certainement pas une analyse "autorisée" de la nouvelle, pour la simple et bonne raison que ça n'existe pas, les analyses autorisées. Le roman que M&L me fait l'immense honneur de prévoir à son catalogue pour 2018 ou 2019 comprend une partie centrale un peu inattendue. Tous mes relecteurs sont des gens dont je respecte immensément la finesse littéraire. Or, exactement la moitié m'a dit de ce chapitre central : "c'est parfait, n'y touche surtout pas", l'autre moitié "ça ne colle pas, supprime-le totalement". Comment recevoir des avis si contradictoires ? Avec humilité, mais sans trop se prendre la tête. Si l'éditeur est content de ce chapitre, on le garde. Sinon, on en discute et on décide tranquillement, avec un bon cognac.
Navré pour ce message alambiqué qui ne parvient de surcroît qu'à aligner les truismes...