Personnellement, j'en conserve, des adverbes, et des répétitions, et des relatives à emboîtement. C'est une discussion qu'on a eue pendant les relectures de
Faon (et sur les virgules avant "mais" aussi !
) et qui m'a permis de mettre de l'eau dans mon vin, parce que les échanges ont été très fructueux. Mais je continue de faire mon mariole et je refuse de renoncer. Je suis musicien de formation et j'ai une conception rythmique de l'écriture, où les réitérations de sonorités comptent pour la pulsation (sans aller jusqu'à Péguy, bien sûr : lui, c'était de la gourmandise). C'est purement personnel, bien sûr, et chacun doit trouver sa voix et "orchestrer" à sa manière, Mais je trouve qu'on a tendance aujourd'hui à trop systématiser les conseils d'écriture.
C'est comme le refus impératif de verbes comme "être", "avoir", "dire", "répondre". Je ne suis pas d'accord. Sauf exception, parce que le verbe est essentiel ou pour des raisons une fois encore de musique et de sonorité, j'en tiens pour qu'on utilise massivement "dire" dans les dialogues : c'est un verbe bref et neutre, incolore et invisible, qu'on lit sans s'en rendre compte et qui permet de mettre l'accent sur ce qui est vraiment important : le dialogue lui-même, ou les didascalies. Je trouve les conversations remplies de "rétorque", "s'exclame" et autres "contredit" beaucoup plus lourdes et, pour être parfaitement honnête, un peu amateur. Dans son excellente préface à
L'Enchâssement au Bélial (excellent roman dans une édition définitive), Ian Watson fait des remarques semblables.
Bon, je fais comme tout le monde, bien sûr : à la relecture, je supprime des tas de choses, y compris des masses d'adverbes. Mais j'en rajoute aussi. Et des répétitions. Le mot juste est le mot juste et il vaut mieux parler deux fois de "porte" dans un paragraphe que de s'égarer dans les "embrasures" et autres "seuils", qui sont à côté de la plaque.
Une fois encore, c'est une question de style, et rien, absolument rien n'est plus subjectif en écriture que le style. On ne peut que s'incliner devant les choix de chacun. Je n'ai pas un style fluide, personnellement. J'ai un style compliqué. Je le revendique. Mais chacun chante comme il veut et je ne m'arrête jamais de lire un livre simplement parce que je n'ai pas encore réussi à me faire à la musique de l'auteur.