Littérature (très) savante

Je digresse, mais j'ai été assez outré de lire une saillie de Pascal Bruckner dans laquelle il explique qu'il faut repousser l'âge de la retraite à 70 ans parce que le travail est une vertu et une récompense en soi( ce faisant, il illustre parfaitement la théorie de Graeber sur les salaires de gens productifs maintenus volontairement bas : vous faîtes un travail utile vous ne voulez pas en plus être bien payés ?).
Du coup, je suis allé voir son CV, car parfois, des intellos, même fils à papa, ont fait une incursion plus ou moins longue dans le monde du travail voire le monde ouvrier. Mais là, non, rien. Il n'a fait qu'enseigner et écrire.
Quand je revois l'état de mon beau-père, maçon de son état, les poumons rongés par les emphysèmes, mort bien avant 70 ans au terme de souffrances abominables, j'aurais eu ce Bruckner sous la main, je crois que je lui aurais collé une gifle.
Ou craché au visage.

Ludo, n'hésite pas à modérer, si je vais trop loin.

Pascal Bruckner n'a dit que des conneries toute sa vie : il était maoïste, comme tous les bourgeois de sa génération, au moment où la révolution culturelle faisait des millions de morts, il a fini atlantiste ultralibéral et partisan de la guerre en Irak, au moment où les Américains faisaient voter par le Congrès la légalisation de la torture. Entre les deux, il a signé des pétitions en faveur des relations sexuelles avec les petites filles de six ans.

www.lexpress.fr/informations/le-devoir-d-inventaire_641580.html

Par ailleurs, les gens qui ne croient pas à la pénibilité du travail n'ont jamais travaillé, c'est aussi simple que ça, et même le Gorafi, détournant les propos de Macron à ce sujet, s'en fait l'écho :

www.legorafi.fr/2019/11/13/emmanuel-macr...auvrete-est-penible/

En effet, Ludovic, fais-nous taire si nous dépassons les autorisations de la charte !

Fabien Lyraud wrote: Serge Lehman parle de la privatisation des nations et d'une Union Européenne qui résiste à cette privatisation dans F.A.U.S.T en 1996. Avec la création d'un service secret anti- corpo, le Square.
J'ai l'impression qu'on est dans ce genre de chose en moins bien chez Damasio.
Et que là où Lehman faisait réfléchir à travers des romans populaires bourrés d'action, Damasio fait réfléchir en faisant réfléchir et en pontifiant.

Je suis en train de lire ce livre que tu nous avais recommandé. Je n'en suis qu'au tiers, mais c'est très intéressant, enlevé, discursif sans être bavard, d'actualité, une sorte de bon cyberpunk à la française (du moins sous l'un des angles du cyberpunk, celui de la lutte corpos contre États, angle qui, hormis l'esthétique visuelle, a toujours été ce qui m'intéressait le plus dans le cyberpunk). J'ai acheté les deux tomes suivants.

Au hasard de mes tests (les premiers chapitres mis en ligne par les éditeurs), je tombe sur un bouquin qui semble aussi boursouflé que creux, intitulé Réparer les vivants. Ce qu'on peut en lire aligne les clichés littéraires, présent de l'indicatif, dialogues insérés dans la narration parce que ça épate bonne maman lors des dîners familiaux pour l'anniversaire de grand-papy, narration cinématographique (on découvre ce qu'on décrit au fur et à mesure, comme si la caméra zoomait), interminables litanies de marques pour montrer qu'on est ancré dans une réalité documentaire, tentatives rigolotes pour faire du style (les "narines douloureuses à force de tuyauter l’iode et le froid")...

Mais le plus intriguant, c'est cette affirmation aussi péremptoire que mystérieuse : "[ils] se sont passé la bouteille de Coca, le tube de lait concentré Nestlé, les Pépito et les Chamonix, des biscuits de garçons mous et sucrés..."

Les Chamonix sont des biscuits de garçons. Mon système de valeur est ébranlé. Quelqu'un a un éclairage là-dessus ? Les chers goûters de mon enfance sont-ils sexistes ?

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Le présent de l'indicatif, tout dépend de ce que l'on en fait. Mais il faut aussi tenir compte de la concordance des temps pour que ça fasse pas plat.
Il y aura des romans écrits partiellement au présent de l'indicatif chez Pulp Factory. Mais mes auteurs savent ce qu'est la concordance des temps.

Bien sûr ! J'ai moi aussi écrit des textes entiers au présent de l'indicatif (Liberté pour tous, par exemple), et aucun outil d'écriture n'est jamais à dédaigner a priori : selon les circonstances, tous ont leur utilité. Mais il faut savoir que ça crée des contraintes stylistiques spécifiques et savoir les surmonter, comme tu le suggères d'ailleurs. Et puis, c'est un peu systématique dans la littérature contemporaine, surtout la blanche, on a trop souvent l'impression que ce n'est pas un choix stylistique spécifique pour obtenir un effet choisi, mais une sorte de réflexe. Comme la caméra instable dans le cinéma actuel : parfois, cet objectif à l'épaule parkinsonienne crée quelque chose d'utile à la scène. Trop souvent, c'est parce que "c'est comme ça qu'on fait aujourd'hui".

On fait de l'écriture simple pour ratisser large. Je ne veux pas avoir l'impression de faire du mépris de classe ( le mépris de classe c'est ceux qui pensent que l'on peut faire venir le prolo à l'élitisme en lui proposant de la merde), mais aujourd'hui le niveau exigé en français en CAP c'est fin de CE2. C'est absolument consternant. La faillite d'un modèle d'éducation de classe.

J'irai plus loin : nos clients, étrangers comme français (et nous parlant donc en anglais ou en français) sont tous des diplômés à haut salaire. Leur niveau de langue à l'écrit est atterrant : je n'acceptais pas ça de mes élèves de troisième quand je payais mes études à coups de courts particuliers ou quand j'étais bénévole auprès de gosses en difficulté.

Jeb wrote: Mais le plus intriguant, c'est cette affirmation aussi péremptoire que mystérieuse : "[ils] se sont passé la bouteille de Coca, le tube de lait concentré Nestlé, les Pépito et les Chamonix, des biscuits de garçons mous et sucrés..."

Les Chamonix sont des biscuits de garçons. Mon système de valeur est ébranlé. Quelqu'un a un éclairage là-dessus ? Les chers goûters de mon enfance sont-ils sexistes ?

Pas sûr du tout que ma femme et mes filles souscrivent à cette assertion. Faudrait que je leur lise cet extrait la prochaine fois que Marie achète des Chamonix, pour voir si je pourrais en prendre prétexte pour me morfaler toute la boîte.

Bonne idée : demain, j'en prends une boîte. Faut fêter la littérature.