Asavar wrote: Se cacher derrière le "progrès" et "l'ouverture" pour appauvrir le vocabulaire d'une langue.
Euh… Hein ? Il n’est pas question de supprimer des mots.
Pour le coup, à mon avis, ça se regarde. L’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir est un résidu d’une époque depuis longtemps révolue, celle où les moines copistes traduisaient de longues phrases du latin vers le français et pouvaient difficilement corriger un accord vu qu’ils ne laissaient pas ou peu d’espace entre les mots. Elle est inutilement complexe sans autre raison que la campagne de pub de Clément Marot, qui l’a rapportée de l’italien en 1538, ce qui a fait dire à Voltaire « Clément Marot a ramené deux choses d’Italie : la vérole et l’accord du participe passé. Je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravages ».
Petit florilège :
- Les chansons que j’ai fait chanter sont jolies (on n’accorde pas faire avant un infinitif)
- Les chanteuses que j’ai entendues chanter sont talentueuses (on accorde car les chanteuses font l’action)
- Les chansons que j’ai entendu chanter sont jolies (on n’accorde pas car les chansons ne font pas l’action)
- Des chansons, j’en ai chanté (on n’accorde pas avec « en » quand il est COD)
- J’ai de nombreux albums, je peux te montrer les chansons que j’en ai extraites (on accorde car « en » n’est pas COD)
Et si, encore, tout cela avait un sens, une raison, une étymologie… mais non, c’est comme ça aujourd’hui parce que c’était comme ça hier, et c’était comme ça hier parce qu’un type qui aurait mieux fait de rester couché a trouvé que ce serait une bonne idée.
Une fois de temps en temps, une réforme de l’orthographe ou de la grammaire remet les choses d’équerre, et ce n’est pas plus mal. Voici, par exemple, comment s’écrivait
La grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf en 1678 :
La Grenoüille qui ſe veut faire auſſi groſſe que le Bœuf.
UNe Grenoüille vid un Bœuf,
Qui luy ſembla de belle taille.
Elle qui n’eſtoit pas groſſe en tout comme un œuf,
Envieuſe s’étend, & s’enfle & ſe travaille,
Pour égaler l’animal en groſſeur ;
Diſant : Regardez bien, ma ſœur,
Eſt-ce aſſez ? dites-moy ? n’y ſuis-je point encore ?
Nenny. M’y voicy donc ? Point du tout. M’y voila ?
Vous n’en approchez point. La chetive pecore
S’enfla ſi bien qu’elle creva.
Le monde eſt plein de gens qui ne ſont pas plus ſages :
Tout Bourgeois veut baſtir comme les grands Seigneurs ;
Tout petit Prince a des Ambaſſadeurs :
Tout Marquis veut avoir des Pages.
Sans les réformes successives, on aurait encore des majuscules sur certains substantifs et pas d’autres, des trémas qui tombent un peu où ils veulent, des ſ, et j’en passe.
Concernant les trémas, d’ailleurs, certains ont été rectifiés en 1990 :
ambiguë est devenu
ambigüe parce la voyelle qui se prononce est le u, pas le e.
Gageure est devenue
gageüre parce que le u se prononce. C’est du nettoyage, tout simplement. Comme pour
ognon, dont le i est allé rejoindre aux oubliettes celui de
montaigne et
Dordoigne,
serpillère (anciennement
serpillière), dont le deuxième i n’avait aucune raison d’être, ou
nénufar, qui retrouve son orthographe d’origine issue de la translittération du persan. Et les journalistes de faire des micro-trottoirs pour montrer que les gens de la rue ne sont pas d’accord, et surtout, ne pas donner d’explication.
Bref, les états d’âmes de journalistes ou d’autres, bourgeois ou non, m’importent peu. Soyons clair, cette réforme n’a aucune chance de passer, mais si d’aventure ça arrivait, je ne m’en plaindrais pas. Et je dis ça alors que je ne dois pas être parmi ceux qui manient le moins bien les règles actuelles.
