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or Damasio ne sait pas écrire politique : il fait du tract)
La vision de la solidarité dans la Horde : les plus faibles se sacrifient pour que les plus forts puissent continuer. Et ça se veut un auteur gauchiste. J'ai eu du mal avec ça.
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Fabien Lyraud wrote: La fin nous fait demander s'il n'y a pas une esbroufe magnifique derrière.
Jeb wrote: Je me suis fait exactement la même réflexion en arrivant au bout. L'idée m'a frôlé de l'aile : tout ça n'était que du flan, finalement ?
La fin du livre découle pourtant de ce qui est annoncé dès le début. La Horde commence, après les dédicaces, par une citation :
« Seulement on n’est jamais sûr d’être assez fort,
puisqu’on n’a pas de système,
on n’a que des lignes et des mouvements ».
Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux.
Suit un petit paragraphe qui apparaît progressivement, d’abord seulement la ponctuation, puis certaines lettres. Un exercice de style très soigné où rien n’est laissé au hasard. Le paragraphe complet :
À l’origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le « vent-foudre ».
Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu’aux lenteurs habitables, jusqu’au vivant, jusqu’à vous.
Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur des vitesses.
À ce stade, Damasio a posé la base structurelle du roman : la ritournelle selon Deleuze et Guattari .
Dès lors, il est normal que le livre se termine de la même façon qu’une ritournelle.
Il laisse ensuite à Caracole le soin d’en donner la dimension sémantique :
¿’ Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les vents.
Puis le chapitre 1 commence.
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- Jeb
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Villa-Lobos a écrit une symphonie dédiée aux montagnes brésiliennes en posant une partition sur une photo du relief montagneux de son pays et en transformant, par transparence, chaque point saillant du paysage en point sur la partition, donc en note, ce qui lui a donné son matériau de base. Comme il avait un extraordinaire métier, il en a bel et bien tiré une symphonie, mais comparé au Sumé Pater Patria ou à La découverte du Brésil, c'est un pur exercice intellectuel qu'on écoute avec curiosité, puis avec politesse, puis avec indifférence. Surtout, la tentative, pur jeu d'esprit, ne prend pas sens musicalement : il aurait fait la même chose en jetant des confettis sur la partition, le résultat aurait été le même. La retranscription littéraire d'un concept pur échoue toujours, ne peut pas ne pas échouer, et Damasio n'étant plus en terminale, il aurait dû le sentir immédiatement. Ou alors il est toujours en terminale, justement, et c'est là son public ?
Je n'en démords pas. Il n'y a pas d'intelligence dans les transpositions d'abstracts de Damasio, seulement du guattarisme de café du commerce (ce qui est un pléonasme, mais combien sommes-nous à avoir ri en connaissance de cause à l'"impouvoir minoritaire" post-Anti-Oedipe et à sa difficile généralisation aux "échelons molaires de nos sociétés" ? Captain, tu te souviens ?), ce qui explique qu'il ait plus de succès aux Inrocks que dans les couloirs du Collège de France.
Et puis ce style... Ce style... Une fois encore, ça passe dans La Horde parce que c'est un conte mythologique, mais dans Les Furtifs... La lourdeur de ce classicisme scolaire (Damasio ne lit pas assez de romans) entrecoupée de gadgets modernes (faux parler de banlieue à la limite du racisme, "mode XXX on", insertions d'expressions étrangères en kit, technoblabla...) On dirait Paul Bourget détourné par le forum 18-25 ans de jeuxvideo.com. Il a aussi de sérieux progrès à faire en grammaire, et en bon goût. De mémoire : "Quand elle disait papa, elle me tirait dessus à bout portant avec une balle d'amour dans la bouche". Quand je lis des trucs comme ça, je ne peux m'empêcher de penser à Jules Renard : "On récompense parfois des artistes. Pourquoi n'en punit-on jamais ?"
Sans compter un engagement politique foiré, par insensibilité au potentiel révolutionnaire de masses qui lui déplaisent, parce que le bourgeois de gauche partage avec celui de droite ses méfiances de classe et n'accepte de pauvres qu'estampillés corrects, comme la grenouille de bénitier à la sortie de la messe. On peut bien, ensuite, faire toute les déclarations qu'on veut sur les Gilets jaunes. On se croit zadiste, et on fait de la littérature de MEDEF. Rien dans les fractures mondiales profondes du néolibéralisme ne se passe comme prévu par l'auteur lecteur des révolutionnaires en chambre. Les collectifs d'artistes font des calembours signifiants et des expositions de sculptures politiques en peau de babybel. Le peuple, lui, braillard et infréquentable, sort par millions dans la rue partout dans le monde et essuie les tirs. Insensible à la seule question de fond (mais elle est si vulgaire, si indigne d'un deleuzien), Damasio se fout que les smartphones soient construits par le travail forcé de lycéens chinois avec du cobalt miné par des Congolais de 8 ans, il préfère dénoncer leur tropisme transhumain plutôt que tréshumain dans ses entretiens d'Almanach Vermot avec les journaux de milliardaires. La barricade anonyme derrière la liberté guidant le peuple, c'est pour les ploucs. Les intellectuels, tout ce qu'ils souhaitent, c'est faire croire qu'ils sont intelligents.
De ce que j'ai vu (mais je n'ai regardé ça que superficiellement, j'ai mieux à faire), Les Furtifs a été accueilli fraîchement par les acheteurs du 1er jour (dont je suis). La chaleur de sa réception par les fans a même été inversement proportionnelle au battage médiatique invraisemblable qui a accompagné la sortie du livre, ce qui fait de Damasio le premier BHL antilibéral (ou affiché comme tel). Perso, ça m'a redonné confiance dans l'intelligence littéraire de mes contemporains.
Cela dit, je regrette d'en avoir remis une couche (je mettrai ça sur le compte du dérivatif à ma rage de dents). On accorde beaucoup trop d'importance à ce monsieur, et voilà que je m'y mets aussi : ça, pour le marketing, il est doué. Dans le genre, il n'y a que Macron qui fasse mieux. Cela dit, promis, je me force à l'abstinence de commentaires damasiens, désormais : je n'ai jamais eu une âme de prêcheur et j'ai pleine confiance dans la capacité des lecteurs à se faire leur propre opinion.
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- Avel
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Jeb wrote: Ce qui prouve que Damasio ne maîtrise pas l'art romanesque, que ses exigences philosophiques sont basses, et qu'il existe un monde entre intelligence et cuistrerie. Tout le monde peut structurer une œuvre d'art d'après un concept, c'est même infiniment plus facile que de travailler une matière propre aux exigences de ses structures profondes (serait-ce pour les révolutionner), mais c'est un exercice d'étudiant qui se la joue, pas une production de maître.
Villa-Lobos a écrit une symphonie dédiée aux montagnes brésiliennes en posant une partition sur une photo du relief montagneux de son pays et en transformant, par transparence, chaque point saillant du paysage en point sur la partition, donc en note, ce qui lui a donné son matériau de base. Comme il avait un extraordinaire métier, il en a bel et bien tiré une symphonie, mais comparé au Sumé Pater Patria ou à La découverte du Brésil, c'est un pur exercice intellectuel qu'on écoute avec curiosité, puis avec politesse, puis avec indifférence. Surtout, la tentative, pur jeu d'esprit, ne prend pas sens musicalement : il aurait fait la même chose en jetant des confettis sur la partition, le résultat aurait été le même. La retranscription littéraire d'un concept pur échoue toujours, ne peut pas ne pas échouer, et Damasio n'étant plus en terminale, il aurait dû le sentir immédiatement. Ou alors il est toujours en terminale, justement, et c'est là son public ?
Je n'en démords pas. Il n'y a pas d'intelligence dans les transpositions d'abstracts de Damasio, seulement du guattarisme de café du commerce (ce qui est un pléonasme, mais combien sommes-nous à avoir ri en connaissance de cause à l'"impouvoir minoritaire" post-Anti-Oedipe et à sa difficile généralisation aux "échelons molaires de nos sociétés" ? Captain, tu te souviens ?), ce qui explique qu'il ait plus de succès aux Inrocks que dans les couloirs du Collège de France.
Et puis ce style... Ce style... Une fois encore, ça passe dans La Horde parce que c'est un conte mythologique, mais dans Les Furtifs... La lourdeur de ce classicisme scolaire (Damasio ne lit pas assez de romans) entrecoupée de gadgets modernes (faux parler de banlieue à la limite du racisme, "mode XXX on", insertions d'expressions étrangères en kit, technoblabla...) On dirait Paul Bourget détourné par le forum 18-25 ans de jeuxvideo.com. Il a aussi de sérieux progrès à faire en grammaire, et en bon goût. De mémoire : "Quand elle disait papa, elle me tirait dessus à bout portant avec une balle d'amour dans la bouche". Quand je lis des trucs comme ça, je ne peux m'empêcher de penser à Jules Renard : "On récompense parfois des artistes. Pourquoi n'en punit-on jamais ?"
Sans compter un engagement politique foiré, par insensibilité au potentiel révolutionnaire de masses qui lui déplaisent, parce que le bourgeois de gauche partage avec celui de droite ses méfiances de classe et n'accepte de pauvres qu'estampillés corrects, comme la grenouille de bénitier à la sortie de la messe. On peut bien, ensuite, faire toute les déclarations qu'on veut sur les Gilets jaunes. On se croit zadiste, et on fait de la littérature de MEDEF. Rien dans les fractures mondiales profondes du néolibéralisme ne se passe comme prévu par l'auteur lecteur des révolutionnaires en chambre. Les collectifs d'artistes font des calembours signifiants et des expositions de sculptures politiques en peau de babybel. Le peuple, lui, braillard et infréquentable, sort par millions dans la rue partout dans le monde et essuie les tirs. Insensible à la seule question de fond (mais elle est si vulgaire, si indigne d'un deleuzien), Damasio se fout que les smartphones soient construits par le travail forcé de lycéens chinois avec du cobalt miné par des Congolais de 8 ans, il préfère dénoncer leur tropisme transhumain plutôt que tréshumain dans ses entretiens d'Almanach Vermot avec les journaux de milliardaires. La barricade anonyme derrière la liberté guidant le peuple, c'est pour les ploucs. Les intellectuels, tout ce qu'ils souhaitent, c'est faire croire qu'ils sont intelligents.
De ce que j'ai vu (mais je n'ai regardé ça que superficiellement, j'ai mieux à faire), Les Furtifs a été accueilli fraîchement par les acheteurs du 1er jour (dont je suis). La chaleur de sa réception par les fans a même été inversement proportionnelle au battage médiatique invraisemblable qui a accompagné la sortie du livre, ce qui fait de Damasio le premier BHL antilibéral (ou affiché comme tel). Perso, ça m'a redonné confiance dans l'intelligence littéraire de mes contemporains.
Cela dit, je regrette d'en avoir remis une couche (je mettrai ça sur le compte du dérivatif à ma rage de dents). On accorde beaucoup trop d'importance à ce monsieur, et voilà que je m'y mets aussi : ça, pour le marketing, il est doué. Dans le genre, il n'y a que Macron qui fasse mieux. Cela dit, promis, je me force à l'abstinence de commentaires damasiens, désormais : je n'ai jamais eu une âme de prêcheur et j'ai pleine confiance dans la capacité des lecteurs à se faire leur propre opinion.
Merci beaucoup pour ces explications. Sans elles, j’aurais pu me demander longtemps pourquoi ce forum ne me correspondait pas (ou vice versa) ; maintenant, c’est parfaitement clair.
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C'est dur, mais puissant, et Ôé, pour le coup, bat à plate couture, sur son propre terrain, le Mishima de La cigarette ou de Martyre.
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- Jeb
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"Né à Tokyo en 1962, Durian Sukegawa est poète, écrivain et clown, diplômé de philosophie et de l’École de pâtisserie du Japon." Pas mal, non ?
Au passage, écrire sa bio, j'ai l'impression que la plupart des gens trouvent ça aussi pénible que moi, comme exercice : comme quoi, il y a des limites au narcissisme (j'ai bien dit, "chez la plupart des gens"...)
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Quand on n'a rien à y caler, c'est encore pire à écrire je me demande si je ne devrais pas présenter une bio imaginaire quand on me la demande !
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