— Bonjour Bashak. Pour la webrevue Mots et Légendes, peux-tu te présenter en quelques mots ?
— Bon, je suis née en 1980 à Istanbul. J'ai passé un bout d'enfance à Nantes, puis à Ankara (Turquie). Neuf années plus tard, j'ai migré en sens inverse, destination la fac de socio de Nantes.
— Et maintenant ?
— Je taffe dans l'administration publique.
— Tu écris en quantité ?
— Moins, depuis que j’ai ce boulot. Moins de temps. Je fonctionne par évasion spatio-temporelle.
— De quoi ??
— Bah oui : on croit que je suis au bureau, ce qui est vrai et inexact : en réalité, je vagabonde imaginairement par-delà les collines verdoyantes des contrées lointaines et les océans inexplorés… Je faisais ça à l'école, à force de m'ennuyer en classe. Ça m'est resté. Après avoir imaginé, je tente désespérément de coucher par écrit ces aventures - je grappille sur mes nuits.
— Tu écris quoi, en fait ?
— Avant, c'étaient un journal perso, d’interminables courriers, de la poésie, des ébauches ou des fragments de récits, des cartes et leurs descriptions… Depuis quelques temps cette écriture nocturne, sauvage, bilingue et solitaire, se « socialise ». Mon gros chantier (10 ans cette année !) prétend prendre la forme couramment admise du roman. C’est pas gagné ! Ce projet est pour moi comme un ogre gobeur de mondes. Il remplirait à lui seul mon quotidien, si je n'y faisais pas attention.
— Quand tu écris, tu ne te détaches jamais de ce projet là ?
— Rarement. Parfois, un personnage exige plus de place. Ou alors, en réponse à un concours, je compose des récits courts. Mais tous ou presque se déroulent dans le même "monde" imaginaire. C’est le cas de « Hors les Murs » (2010) et « le peuple d’Ejderh » (2006 - retenu par les Traversées Oniriques).
— Des publications ?
— Non, mais j'y travaille. J'ai développé le personnage d'Ejderh - un migrant, lui aussi - sous la forme d'un roman. En un an, pouf, c'était rédigé ! Avec des nomades mongols et des pseudo-sumériens ré-imaginés pour le plaisir d'une aventure sur la steppe.
— Et ensuite ?
— Ensuite pendant deux ans je n'ai eu que des refus d'éditeurs. J'avais l'impression que ce texte avait tous les défauts : c’était la faute aux noms bizarres, mots inventés, métaphores incompréhensibles, rythme saccadé, trop lourd ou pas assez, écrit à mi chemin entre le journal et l’épopée... Bon, j’ai fait un break un moment puis là j'ai pris mon courage à deux mains et je retravaille le texte...
— Et "Hors les Murs" ?
— Eh bien... Dans l'univers que j'imagine, une histoire me taraudait depuis un moment : celle des Nains qui quittent leur "trou originel" et migrent ailleurs. L'idée était là mais je n'avais pas pris le temps de la coucher sur le papier. L'appel à textes a fourni l'occasion !
— Et pour ton « monde », tu imagines ton monde ex nihilo ou bien...
— Oh non non, je me réapproprie des choses qui me plaisent et m'inspirent.
— Par exemple ? Des livres ? Est-ce que des livres t’ont inspirée ?
— Oui oui. Gamine, j'aimais lire et relire Jules Verne, Dumas, l'île au trésor. Je passais pas mal de temps à dessiner des cartes d'îles imaginaires. L'aventure, coûte que coûte !
— Ça n'est pas de la fantasy, ça.
— C’est à 21 ans précises j'ai découvert Tolkien et Mathieu Gaborit – formidable ! Après quoi je me suis régalée de mythologies : l'Edda, les épopées de la steppe, Gilgamesh... Il y a aussi les racontars de Jorn Riel. Je les feuillette de temps à autres ; ces lectures me revigorent !
— Dans tes lectures disons, de romans : quels auteurs conseillerais-tu ?
_ Dans ce que j’ai lu, j’ai apprécié Frank Herbert, Nicolas Cluzeau, Nicolas Bouchard, Mathieu Gaborit, Alain Damasio...
— Et est-ce que des personnages littéraires t'inspirent ?
— Oui, certains bonhommes me hantent : Conan le Barbare, Väinämöinen, Nifft-le-Mince. Je les imagine et paf, ça me débloque ! La musique aussi - en particulier les chants mongols et les BO de films.
— Parlons de la fantasy. Pourquoi travailles-tu cette matière ?
— C'est, euh, une façon de dépasser la contingence du "réel et possible", dans le récit. Avec la fantasy, on peut parler de démiurges et de chevauchées célestes, par exemple... et esquiver les consensus "sociaux"…
— C’est à dire ?
— Si j’écris "La grande famille N résidait toute ensemble dans les tours d'une banlieue en périphérie urbaine et avait conçu un système de brassage de bière - au noir," le lecteur risque de penser : "encore des rmistes qui grugent les impôts et distillent au noir. Mais que fait la police ! "
Par contre si je mets : "Le peuple des Nains habitait tout ensemble dans des cavernes et brassait de la bière à longueur de journée," c'est de la mythologie nordique, bien sûr ! Et l’aventure peut démarrer !
— Pour finir : tu signes sous un nom de plume, ou quoi ?
— Initialement, oui (Outchan’Yol). Finalement j’ai repris mon vrai prénom, Bashak.
Vous pouvez retrouver Bashak sur son blog : http://cestlheureduthe.blogspot.com
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