Envie de râler, un coup de déprime ?

Après le petit coup de gueule du court métrage, voici une petite phrase entendue hier de la bouche d'un proche qui m'a rappelé mon père quand il me répondait "et tes cours" à la phrase "papa j'écris un bouquin". Donc hier, un membre de ma famille regarde mon site: "Elle est sympa ta photo, on dirait un vrai écrivain"...hum...sans commentaires...

Volkoff disait qu'un de ses amis américains, lorsqu'on l'interrogeait sur sa profession et qu'il répondait "Je suis écrivain", s'entendait répondre : "Oh, c'est charmant, quelle bonne idée ! Mais sinon, votre métier, c'est quoi ?"

HAHAHA! Oui je comprends ce sentiment. Une de mes ex m'a dit un jour: "tu ne seras jamais Werber"...Bah à vrai dire c'est pas très grave, je préfère être moi-même...
Je ne sais pas pourquoi les gens que l'on connaît pense que l'on ne peut pas être VRAIMENT un écrivain. Ils pensent que les écrivains habitent sur une autre planète? que l'on ne peut pas en connaître? Ah moi que l'on ne devient VRAIMENT écrivain que lorsque l'on est à la fnac?
Enfin...

Il y a ceux qui pensent que ça n'est pas sérieux comme profession, je suppose, que ça ne peut être qu'un loisir de dilettante. Etre sérieux, c'est avoir une cravate au bureau. Gagnant ma vie dans le jeu vidéo, j'en ai entendu des vertes et des pas mûres, aussi...

Sinon, il y a en effet la question de savoir ce qu'est un "vrai écrivain" ou un "écrivain professionnel". Là encore, les gens pensent sans doute, comme tu dis, que ce sont les Werber qui gagnent royalement leur vie avec leurs romans. Mais à ce compte-là, Proust n'était pas un écrivain professionnel non plus. J'aime beaucoup le speech du prof dans Little Miss Sunshine : "Proust était maladif, malheureux en amour, sans un rond, dépressif, il a écrit un bouquin de 5000 pages que personne n'a jamais lu et il est mort seul. Accessoirement, c'est sans doute le plus grand écrivain depuis Shakespeare". J'approuve d'autant plus que j'ai lu La recherche, et que ce fut un des mes éblouissements de jeunesse.

Je me suis interrogé loyalement sur ce qu'étaient ces notions, "écrivain", "écrivain amateur", "écrivain professionnel". Rien n'est évident après tout, dans tout ça. J'en suis arrivé à la conclusion suivante, qui est toute simple.

Quelqu'un qui, une fois dans sa vie, a terminé une histoire est un écrivain. Après tout, j'ai découvert dernièrement l'oeuvre de Durosoir, un soliste virtuose qui, traumatisé par la Grande Guerre, a quitté le monde pour s'installer au fond de nulle part et a passé le reste de sa vie à composer des oeuvres qui n'ont jamais été jouées ni publiées pendant presque un siècle. On le redécouvre, on le publie, on le joue, et ses trois quatuors , austères, graves et puissants, sont mon gros choc esthétique de ces derniers temps. Alors ? Jamais édité, jamais joué, et magnifique compositeur.

Par ailleurs, quelqu'un qui a publié un jour une histoire, que ce soit chez House Made of Dawn ou chez Gallimard, est un écrivain professionnel (sans compter qu'il est peut-être plus heureux chez Mots et Légendes que chez Grasset). On n'en vit pas ? Mais je n'ai pas l'impression que Jaworski ou Fabien Clavel aient abandonné leur métier de professeur après leurs premiers succès non plus, alors ? On ne peut quand même pas laisser l'appellation d'écrivain professionnel à Musso et à Marc Lévy !

Donc voilà, je me considère comme écrivain professionnel. Peut-être le plus mauvais et le moins riche de l'Histoire (d'autant que je file tous mes revenus littéraires aux orphelins d'Auteuil), mais quand même un écrivain professionnel.

Oh et puis non.... Je suis peut-être mauvais, mais sûrement pas autant que Florian Zeller !

La réaction du membre de ta famille fait écho à pas mal de choses que je vois ou lis à droite et à gauche. Dès que quelque chose touche à l'artistique, j'ai l'impression que c'est difficile que nos proches nous prennent au sérieux. C'est dommage parce qu'ils ne s'en rendent sans doute pas compte, mais ce sont des remarques qui sont blessantes et/ou vexantes.

J'ai l'impression que pour beaucoup être écrivain, c'est effectivement vivre de ses écrits et être connu. Dans la pratique, quand on sait que très peu d'auteurs vivent de leur plume, cela peut porter à réfléchir.
Mais comme Jeb le dit, tout ce qui sort du costume cravate a du mal à paraître sérieux. Je vois souvent des illustrateurs pros avoir le même problème...
J'aime bien l'exemple de Lucien Durosoir qui est un bon contre-exemple à la façon dont on évalue actuellement l'art. Merci du partage Jeb

Il ne faut en tout cas pas que ça pèse sur ton moral et ta motivation à écrire, au contraire !

Jeb:

Il y a ceux qui pensent que ça n'est pas sérieux comme profession, je suppose, que ça ne peut être qu'un loisir de dilettante.

C'est sur. Le pire c'est que je me considère avant tout comme un écrivain: c'est un peu mon identité. Pour moi, les différents boulots que j'ai pu faire ne sont que des statuts temporaires. Non je ne suis pas une part sociale d'une entreprise mais je me sens fondamentalement un observateur des mœurs!

J'aime beaucoup le speech du prof dans Little Miss Sunshine

Pauvre Proust: c'est tout de même terrible pour un écrivain de savoir que personne ne le lit. Au passage: j'ai adoré Little Miss Sunshine. C'est un film plein de finesse, très beau et très drôle qui est dans ma DVDthèque.

On ne peut quand même pas laisser l'appellation d'écrivain professionnel à Musso et à Marc Lévy !

Ca me ferait mal!
Kal:

J'ai l'impression que pour beaucoup être écrivain, c'est effectivement vivre de ses écrits et être connu. Dans la pratique, quand on sait que très peu d'auteurs vivent de leur plume, cela peut porter à réfléchir

Hélas aujourd'hui je crois que l'on confonds souvent popularité et qualité (bien que les deux ne soient pas forcément contradictoire non plus évidement).

Il ne faut en tout cas pas que ça pèse sur ton moral et ta motivation à écrire, au contraire !

Tout à fait. Mes cinq années en tant qu'athlète de haut niveau en judo ont, je pense, marqué ma personnalité à jamais et je crois que ce genre de remarque ne pourra jamais me dégouter de l'écriture. Bien sur ça fait mal mais tout comme je l'ai noté lorsque j'avais 19 ans à la fin du Judoka de l'ombre dans la dédicace: "A toutes les personnes qui m'ont soutenu pour la force qu'elle m'ont transmise. A toutes les personnes qui ne m'ont pas soutenue pour la rage qu'elles m'ont transmise." Et puis je reste conscient que "rien ne se perd, tout se transforme", alors autant que ce soit en énergie pour bosser encore plus!

Je suis d'accord sur l'idée de transformer ces énergies négatives en motivation pour redoubler de travail et d'efforts. C'est la logique que j'essaye de suivre, où à force d'en prendre dans la tête, ça m'encourage à toujours essayer de faire mieux. Mais en même temps, je trouve que ça met une lourde pression, la sensation qu'il y a moins le droit à l'erreur...

Et il y a des choses injustes aussi (je fais dévier un peu la conversation, mais après tout on bavarde). Une coquille chez un petit éditeur numérique, c'est normal, c'est parce que c'est un amateur minable. Une coquille chez un professionnel ("clame" au lieu de "calme" chez L'Atalante dans Metro 2033, comme je l'ai vu récemment), c'est dommage, bien sûr, mais bon, ça arrive.

En d'autres termes, on est plus exigeant avec ceux qui au contraire auraient le plus besoin d'aide et d'encouragement.

Pas faux. C'est pour ça que j'essaie d'être attentif aux coquilles pour transmettre l'info.
Sinon les claques dans la tronche continuent. Remarque de mon beau-frère hier au sujet de Liberty Seed: "Ca sent l'amateurisme". Ok, normal vu que je suis un amateur mais bon, je n'ai pas fait d'école et c'est un premier. Les gens sont exigeants ou c'est moi qui tripe?

Qu'est-ce qu'il a trouvé amateur ? La photo ? Le montage ? Le son ? C'est un peu vague sinon. Moi je n'ai pas trouvé, mais je ne suis pas un professionnel non plus...