Littérature (très) savante
- Fabien Lyraud
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Désormais, c'est vulgaire. On a droit à deux cents mots de vocabulaire, à des divagations autofictionnelles nombrilistes et à la 1re personne du singulier. Il ne restera rien de cette littérature. Mais on peut toujours relire Don Quichotte !
Jean d'Ormesson disait qu'on "laissait les péripéties à la littérature de gare et aux mémoires de parachutistes" dans un bel élan d'élitisme en parlant de la blanche des années 50 ( cette littérature que Gracq moquait dans "la littérature à l'estomac, et à laquelle Barthes reprochait la mansuétude de la critique à son égard dans "critique et vérité"). Le raisonnement de d'Ormesson et d'autres c'est que les gens avaient vécus leur content d'aventure pendant la guerre et aspirait à une littérature un peu plus calme. Bref une littérature qui ne raconte rien puisque l'aventure et l'action sont associés à la guerre. Certains allaient plus loin en reprochant la guerre d'être le fruit de la volonté d'aventure des jeunes hommes qui souhaitaient la vivre pour de vrai.
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- Jeb
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Et s'imaginer que les luttes de libération nationale, les montées de régimes totalitaires, la bataille de Verdun ou la Guerre de Succession d'Espagne sont dus à des garçons qui s'ennuient en classe n'est pas sérieux. Mais ça ne m'étonne pas qu'on ait pu avancer ce genre d'idées dans les cercles fatigués de la grande bourgeoisie libérale à laquelle appartenait d'Ormesson : on sait combien elle est en phase avec la réalité du monde.
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La guerre comme résultat du goût des prolétaires pour la littérature populaire, c'était plutôt chez les progressiste qu'on les trouvait. C'était "rééduquons le prolétariat pour le détourner de la violence aveugle pour qu'il puisse ne pas être détourné de la révolution quand le moment sera venu".
Bref aussi bien la gauche que la droite ont tapé sur les littératures populaires et ont tout fait pour couper les liens entre littératures populaires et littératures ambitieuses.
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La chanson (c’est du VEVO, on peut) :
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Gallimard
Maylis de Kerangal, Un monde à portée de main
Paula s’avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c’est le grain de la peinture qu’elle éprouve. Elle s’approche tout près, regarde : c’est bien une image. Étonnée, elle se tourne vers les boiseries et recommence, recule puis avance, touche, comme si elle jouait à faire disparaître puis à faire revenir l’illusion initiale, progresse le long du mur, de plus en plus troublée tandis qu’elle passe les colonnes de pierre, les arches sculptées, les chapiteaux et les moulures, les stucs, atteint la fenêtre, prête à se pencher au-dehors, certaine qu’un autre monde se tient là, juste derrière, à portée de main, et partout son tâtonnement lui renvoie de la peinture.
Carole Fives, Tenir jusqu'à l'aube
Avec quelle confiance l’enfant a avalé ses pâtes, ses légumes. Il a même terminé le yaourt aux fraises, son biberon de lait tiède. Avec ça, il devrait être calé.
Elle lui a lu une histoire, est restée près de lui jusqu’à ce que les petits poings se desserrent et relâchent enfin sa main.
Elle a encore patienté quelques minutes, l’obscurité de la pièce à peine perturbée par le stroboscope de la veilleuse lapin.
La porte d’entrée qu’elle referme avec mille précautions derrière elle.
Dans le hall, l’éclairage automatique se déclenche.
Il y a encore tant de monde dehors.
Un grand vent frais.
Marcher, juste, marcher. À peine le tour du pâté de maisons.
Grasset
Abnousse Shalmani, Les exilés meurent aussi d'amour (sic)
Si je ne m’imaginais pas retrouver une maison équivalente à celle que je venais de quitter à quelque 4 215 kilomètres de là – mes parents m’avaient prévenue –, je ne m’attendais pas à ça. Trois fois deux pièces dans la même résidence, dans le même immeuble, les uns au-dessus des autres, mes deux tantes célibataires au dernier étage dans un appartement que Mitra avait baptisé l’Atelier, et qui m’était interdit tant les toiles de Zizi, les tubes de peinture, les pinceaux, les sculptures de Tala, la glaise, le plâtre, le marbre parfois, les photographies, les dessins, les livres d’art et les nus, les nombreux nus, occupaient tout l’espace.
C’était laid. Un balcon filant, mais vide. Le gris des immeubles pour seul horizon. Le minimalisme bétonné de la fin des années 70. Alors qu’une musique iranienne qui se voulait joyeuse prenait tout le monde à la gorge, Mina, la fille de Mitra et du Chinois, nouveau-née à la pilosité excessive, dormait.
Le Seuil
Alain Mabanckou, Les Cigognes sont immortelles
Maman Pauline dit souvent que lorsqu’on sort il faut penser à mettre des habits propres car les gens critiquent en premier ce que nous portons, le reste on peut bien le cacher, par exemple un caleçon gâté ou des chaussettes trouées. Je viens donc de changer de chemise et de short.
Papa Roger est assis sous le manguier, au bout de la parcelle, très occupé à écouter notre radio nationale, La Voix de la Révolution Congolaise, qui, depuis hier après-midi, ne passe que de la musique soviétique. Sans se retourner, il me donne des consignes :
– Michel, ne traîne pas sur ton chemin ! N’oublie pas les courses de ta mère, mon vin rouge, mon tabac, et ne perds pas ma monnaie !
Les Éditions de Minuit
Vincent Almendros, Faire mouche
J’avais été, jusque-là, un homme sans histoire. Peut-être parce que j’étais né dans un village isolé, au milieu de rien. Car c’était ça, Saint-Fourneau, un trou perdu. Y revenir m’avait toujours paru compliqué. Il faut dire que ma mère, elle, y vivait encore.
Nous venions, Claire et moi, de quitter l’A75. Le soir était tombé. Les phares de la Nissan éclairaient maintenant la départementale en lacets. Depuis plusieurs kilomètres, nous ne croisions plus aucune voiture. Le paysage était devenu escarpé et montagneux, composé d’à-pics ou de reliefs rocheux boursouflés de végétation. Il se vallonna de nouveau, et les premiers panneaux indiquant Saint-Fourneau apparurent.
Boursouflé de végétation. Si, si, vous avez bien lu. Boursouflé. De végétation.
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