Interview de Grégory Covin pour Mots & Légendes 9
Cette interview de Grégory Covin a été réalisée dans le cadre de la parution de sa nouvelle 00011001 dans le webzine Mots & Légendes 9.
Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Je m'appelle Grégory Covin. Je vais avoir 40 ans cette année, et vis à Rouen. Je suis fan de comics et de lectures fantastiques (Héroïc Fantasy, SF, horreur) même si, à présent, j'en lis beaucoup moins qu'avant.
Comment t'est venu le goût de l'écriture, à quel âge ?
Les jeux de Rôles m'ont donné le goût de l'écriture. Gamin, je jouais aux Livres dont vous êtes le héros, et un ami m'a un jour initié à Warhammer. À l'époque, je lisais surtout des récits de terreur et me suis ainsi porté sur L'Appel de Cthulhu, de l'univers de Lovecraft, pour également réaliser des scénarios. J'ai bien entendu essayé Dongeons and Dragons, mais aussi Vampires the Masquerade ou encore Torg. Vers 18 ans, cela a commencé à devenir compliqué de se réunir entre copains, avec les études, nos vies qui changeaient, et j'ai rapidement compris que la grande époque "Jeu de Rôles" était révolue. Mais je n'avais pas pour autant envie d'arrêter d'en écrire. Je me suis donc reporté sur l'écriture, après avoir dompté le pianotage sur le clavier :)
Puis Internet m'a donné l'occasion de participer à des concours de nouvelles, de réussir le premier auquel j'ai participé (ce qui m'a donné confiance en moi, parce que je ne savais pas du tout ce que je valais), et l'envie de continuer.
Comment abordes-tu la création d'un texte ? Comment te vient l'inspiration ?
Il y a une première partie qui est de la réflexion paresseuse. C'est-à-dire que j'ai des bribes d'idées que je laisse germer. C'est comme un jardin potager ; j'attends que ça pousse, je vérifie que ça ne parte pas chez le voisin (bref, qu'une idée ne soit pas hors sujet), puis je récolte. J'ai alors mon début d'histoire et une idée directrice qui me donnent envie de m'y mettre.
Puis c'est la seconde partie. La magie. Je me laisse porter par l'histoire, tout en lui tenant la bride. Je deviens mon premier lecteur à surprendre. Je me pose des pièges desquels je dois ressortir, tant pis si je ne sais pas comment. Souvent, je repousse les premières idées qui me viennent pour en trouver d'autres. Plus folles, et donc plus originales. Les plus étonnantes éclosent pendant que j'écris ; elles surgissent de nulle part. C'est indéniablement comme si je pêchais des idées et que, parfois, l'une d'elles, totalement différente de celles que j'ai habituellement, mordait à l'hameçon. J'aime beaucoup cette sensation.
Peux-tu nous parler du processus d'écriture de la nouvelle 00011001 ? Ce qu'elle représente pour toi ?
J'ai constaté que mes récits suivaient tous un fil directeur, une interrogation qui dure plusieurs années. Avant de passer à autre chose. Une sorte de Rubik's cube intellectuel que je tourne dans tous les sens et qui présente différentes couleurs mais un problème similaire. 2013 et 2014 auront été des années de remises en question de la réalité ; de la place de l'Homme dans l'univers et de son grade dans celui-ci. Je me suis amusé à le placer dans des situations similaires et de trouver des causes et conséquences différentes à chaque fois.
Bien entendu, je m'intéresse à l'espace, sans pour autant dévorer des bouquins qui en parlent. Je suis plutôt du genre à suivre des documentaires à la télé. Je constate souvent que ce que l'on croit comme acquis ne sont que des hypothèses scientifiques. 00011001 est d'abord un questionnement sur ce qu'est un trou noir. On sait qu'il aspire tout ce qui lui passe autour, ainsi que le temps. Le Big Bang n'est d'ailleurs rien d'autre que ce moment où l'horloge se déclenche et que le temps a une signification. Ce qui entraine ce processus de début et de fin, de naissance et de mort. Mais que se passe-t-il à l'intérieur d'un trou noir ? Que se passe-t-il si une chose, aspirée par celui-ci, n'était alors pas détruite par la puissance du trou noir ? Est-ce là une faille vers l'éternité puisque le temps lui-même en est prisonnier ?
00011001 est également l'envie d'écrire une nouvelle qui se termine bien. J'ai tendance à confronter mes personnages à des forces qui les dépassent ; ils survivent rarement. La question était donc : comment vaincre un trou noir ? Comment ressortir de son aspiration dont rien, même le temps, ne peut s'en échapper ? La réponse ne m'est pas venue tout de suite :)
Quel est ton endroit favori pour écrire ? As-tu des rituels ?
J'écris dans ma salle à manger, sur un petit bureau placé contre le mur. Du moment qu'il n'y a pas de bruit, je peux écrire n'importe où. Je suis par contre désormais incapable d'écrire autrement que sur un clavier. La feuille papier me bloque, m'agace, tant je peine à me relire :)
As-tu un texte dont tu es particulièrement fier et que tu voudrais nous faire découvrir ?
Je n'ai pas participé qu'à des concours de nouvelles. J'ai également envoyé des textes à des sites qui les diffusaient librement. Numéro 81 est un texte court qui me touche à chaque fois que je le relis.
Quels sont tes auteurs favoris ? Influencent-ils tes écrits ?
Le premier auteur qui m'a énormément influencé est H.P. Lovecraft. Pas forcément de par son style, mais sa vision éclatée d'un univers peuplé d'entités innommables m'a marqué. À vie. Cette terreur sourde de choses qui rêvent, qui s'activent dans les ténèbres, est présente à chaque fois qu'un récit d'horreur m'appelle. Il y a également Graham Masterton qui est l'un de mes auteurs favoris et qui m'a énormément influencé. J'ai eu la chance d'être publié à ses côtés dans le fanzine Borderline, et ai toujours aimé son aptitude à mettre au goût du jour les terreurs d'autrefois. Manitou, Démences, Rituel de Chair sont des perles de la littérature de terreur. À lire également : Le Mystère du Lac de Robert McCammon.
Quels sont tes projets ?
2014 aura été pour moi une année très calme puisque tous les concours que j'ai réussis ont été décalés de quelques mois pour paraître en 2015. J'aurai 5 textes dans les semaines et mois qui viennent qui vont ainsi voir le jour. Donc un peu de travail de relecture en perspective.
Fin décembre, j'ai terminé un texte qu'il me reste à retravailler, puis je vais sans doute m'atteler à un concours érotique. Peut-être pour marcher dans les pas de Graham Masterton qui a écrit pour Penthouse. Et puis cela va changer un peu :)
Pour conclure, as-tu un dernier mot à ajouter ?
J'ai toujours un grand plaisir à faire partie du Royaume, de voir l'un de mes récits prendre vie dans les pages de son anthologie numérique qui est l'une des plus soignées que je connaisse. J'espère ainsi répondre présent pour les prochains projets que l'avenir nous réserve.