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Littérature (très) savante
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Mais mon ami, qui lit Conrad et Julien Green, ne sait pas ce que c'est, la « littérature, la vraie », aujourd'hui. Pour en apprendre plus, faisons le tour des Grands Éditeurs Parisiens et de leurs sorties du mois de mai, le joli mois de mai, dont ils nous proposent de lire quelques pages sur leurs sites. Je ne modifie rien, je ne triche pas, je prends un paragraphe de la première page et je vous le livre tel quel :
Gallimard
Philippe Lançon, Le Lambeau
La veille de l’attentat, je suis allé au théâtre avec Nina. Nous allions voir aux Quartiers d’Ivry, en banlieue parisienne, La Nuit des rois, une pièce de Shakespeare que je ne connaissais pas ou dont je ne me souvenais pas. Le metteur en scène était un ami de Nina. Je ne le connaissais pas et j’ignorais tout de son travail. Nina avait insisté pour que je l’accompagne. Elle était heureuse de s’entremettre entre deux personnes qu’elle aimait, un metteur en scène et un journaliste.
Claire Castillon, Ma grande
Ailleurs, t’étais ma femme. Ma grande, c’était la nuit. Et la nuit était rare. Sauf le jour, ça oui. Avec toi, il faisait noir. Y a rien pour commencer. Juste toi. T’es plus là. Je peux pas dire ton nom, ni les dates, les endroits. Faut masquer tu comprends, tout est prémédité. Disons que c’était couru qu’un jour j’allais quelque chose. Tu me faisais des brûlures et je débrûlais jamais. Ça change rien à l’histoire ni à la vérité. Je t’ai tuée, ça se fait pas. Je vais l’écrire et voilà. Je t’ai cherché un prénom parce que je veux raconter. Je suis tombé sur Irène mais je peux rien en faire. Des prénoms qui s’amenaient comme pour être choisis. Ça t’aurait rendue folle ces filles sur le bout de ma langue. Après Irène, Eva. Plein de prénoms comme plein de femmes. Mettre pas le tien, c’est bidon. J’ai besoin de vérité. J’ai pas besoin de t’appeler. Je vais parler et tu te tais.
Grasset
Dan Franck, Scénario
La première fois que je les ai vus, c’était dans un hôtel proche de la place aux Huiles, à Marseille. Je m’étais levé tôt pour me promener dans la ville. Le mistral soufflait rudement sur le Vieux-Port. J’avais traversé l’esplanade dans le barouf des haubans vibrant comme la colère. Au loin, la masse crénelée du fort Saint-Jean enfermait Marseille dans un écrin de beauté et de puissance.
Charlotte Erlih, Funambules
Ada est calée dans son fauteuil de velours rouge. Personne autour d’elle, personne devant dont les cheveux viendraient chatouiller le bas de l’écran : le désert des séances de cinéma le matin. Sa jambe droite est croisée sur la gauche. C’est mauvais pour le dos, Ada le sait. Mais croiser les jambes la rassure. Comme d’allumer une cigarette. Sauf que l’espace est non-fumeur, et qu’Ada ne fume pas. Elle peut donc bien croiser les jambes.
Les Éditions de Minuit
Monique Wittig, L'opoponax
Le petit garçon qui s’appelle Robert Payen entre dans la classe le dernier en criant qui c’est qui veut voir ma quéquette, qui c’est qui veut voir ma quéquette. Il est en train de reboutonner sa culotte. Il a des chaussettes en laine beige. Ma sœur lui dit de se taire, et pourquoi tu arrives toujours le dernier. Ce petit garçon qui n’a que la route à traverser et qui arrive toujours le dernier. On voit sa maison de la porte de l’école, il y a des arbres devant. Quelquefois pendant la récréation sa mère l’appelle. Elle est à la dernière fenêtre, on l’aperçoit par-dessus les arbres. Des draps pendent sur le mur. Robert, viens chercher ton cache-nez.
Le Seuil
Marina Skalova, Exploration du flux
Ce sont des mots, des images. Un afflux d’images. Ce mot d’abord. Afflux. Flux humains, flux financiers, flux migratoires. Flux, comme fleuve, fluvial, to flow, avoir un bon flow. Flux, ce mot, avec un x. Un x comme génération branchée. Un mot de hipster, me dit-on. Un mot de la globalisation. La globalisation, c’est quand le monde entier est devenu un village. La globalisation, c’est quand le monde entier peut se connecter sur Facebook, scroller, liker, partager. Le monde entier est devenu un village Facebook.
Etc.
En d'autres termes, les maisons de littérature générale ne publient pas de romans. Elles publient des monologues nombrilistes truffés de truismes et de banalités bâclés par des cuistres incultes qui font des efforts désespérés pour écrire comme des CE1. Vous n'êtes pas obligé de me croire sur parole : allez sur les sites et vérifiez par vous-mêmes.
Allez, je me lance dans la grande littérature, moi aussi !
Les Éditions de Midi Moins le Quart
Jean Bury, Le cendrier tartare
Hier, juste avant d'apprendre le début d'une nouvelle guerre mondiale, atomique cette fois, parce que les armes utilisent l'atome, c'est la science ils disent et la science est dans tout même dans la guerre, je me suis levé sans savoir. J'ai ouvert mon armoire et j'ai hésité. Plutôt le pantalon beige, pour la couleur, ou le pantalon marron, pour la couleur aussi mais moins belle, surtout quand il fait beau et je me doutais qu'il ferait beau parce qu'ils l'avaient dit au journal télévisé la veille, avant la publicité pour le jardinage. Et puis j'allais voir Irina dans mon open space, un peu plus tard, et Irina ne portait jamais de marron. Jamais de beige non plus, plutôt du rouge, pour la couleur, mais je n'avais pas de rouge. Les hommes ne portent pas de rouge, sauf pendant les guerres mondiales, les anciennes, les vieilles, pas celle-là, l'autre, il y a un siècle. J'ai hésité pour la cravate aussi. J'aime les cravates. Je ne sais pas pourquoi, depuis tout petit, depuis que mon père m'a dit Gontran tu dois savoir mettre une cravate et j'ai dit oui papa et il m'a appris à faire les nœuds j'aime les cravates. J'ai choisi une bleue, pour la couleur, et j'ai mis les deux bouts autour de mon cou, pas à taille égale sinon ça ne tombe pas juste, et j'ai fait passer le gros bout sous le petit bout avant de le faire passer dans la sorte de boucle que ça faisait et j'ai tiré pour que le nœud se forme sous mon col de chemise blanc (j'avais hésité pour la chemise aussi, mais je n'ai que des chemises blanches).
Qu'est-ce que vous en pensez ? Je tiens un Goncourt, là, non ?
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- Véro-Lyse
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- Diseuse de mésaventures
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Franchement, les bras m'en tombent... quand je lis cela, je me dis que ce que je fais n'est pas si mal que ça.
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- Fabien Lyraud
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- Habitué de la taverne
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- Jeb
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Fabien Lyraud wrote: Bref l'auto-fiction c'est le mal. Le problème c'est qu'il pense tous être le nouveau Proust. Consternant.
Oh, combien je suis d'accord avec toi !
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- Jeb
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- El Tigre numero Uno !
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Véro-Lyse wrote: Franchement, les bras m'en tombent... quand je lis cela, je me dis que ce que je fais n'est pas si mal que ça.
Y a pas photo !
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- Fabien Lyraud
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- Habitué de la taverne
Bref il y a un problème. Et même les éditions de Minuit jadis connues pour une certaine exigence littéraire et des textes littérairement difficiles ( Chevillard ou Echenoz) s'y mettent aussi...
A oui, il parait que certains directeurs de collection viennent des écoles de commerce. Donc on comprend mieux.
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- Oliv
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- Voyageur
Jeb wrote: Un de mes amis me reproche dernièrement d'écrire de la SFFF.
Eh bien, change d'amis !
Non, sérieusement, les exemples que tu as postés ici sont édifiants. Je crois que le plus illisible est le Castillon, mais les autres aussi sont assez gratinés dans leur genre... Et félicitations pour ton futur Goncourt, tu le mérites amplement !
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- Jeb
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- Avel
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- Voyageur
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- Fabien Lyraud
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- Habitué de la taverne
Lançon : répétitions, verbes faibles, écriture enfantine, mal dits
Castillon : Galimatias
Erih : écriture enfantine, verbes faibles, mal dits
Wittig : galimatias
Saklova : galimatias
L'extrait de Dan Franck est inattaquable sur la forme. Sur le fond, on n'en sait pas grand chose. Mais je n'oublie pas qu'il est l'auteur de Boro, reporter photographe, excellente série de romans d'aventures cosignée avec Jean Vautrin. Bénéfice du doute. Au moins c'est écrit en français correct. Le seul des extraits proposés.
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